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Kyūdō – 弓道

Carquois japonais de la fin de l'ère Edo, XIXème siècle
Carquois japonais de la fin de l’ère Edo, XIXème siècle

Le kyūdō (弓道) correspond à l’art traditionnel japonais du tir à l’arc. Le terme « kyūdō »  signifie littéralement « la voie de l’arc ». Le tir à l’arc japonais (yumi) est très éloigné du tir à l’arc occidental  qui ne recherche que performance et précision. Ici le pratiquant cherche en priorité à atteindre une harmonie intérieure avant de réussir un exploit sportif.

Evolution du kyūdō

Le kyūdō vient en remplacement du « kyū-jutsu ». Le kyū-jutsu était la pratique martiale du tir à l’arc pratiquée uniquement dans un dessein guerrier. Avec l’apparition des premières armes à feu, l’arc perd peu à peu de son utilité. L’archerie n’est plus alors pratiquée que lors de l’entraînement des guerriers dans le cadre du « budô » (la voie du guerrier). Le budô ne cherche pas uniquement le développement physique mais aussi la plénitude mentale du guerrier. A ce titre le kyūdō entre dans l’entraînement du guerrier comme technique permettant d’atteindre la maîtrise de soi. Cet aspect dual du tir à l’arc japonais se retrouve encore aujourd’hui : la pratique sportive du tir à l’arc japonais porte le nom de « kyū-jutsu » tandis que le terme de « shadô » vise l’approche spirituelle.

Histoire de l’archerie japonaise

La première trace écrite révélant l’existence de l’arc japonais se trouve dans les chroniques chinoises de Weishu datant d’environ de 250 ap. J.-C. Il est alors essentiellement utilisé pour la guerre et la chasse. Ce n’est qu’après que se développe l’arc cérémonial.

Avec l’avènement d’une classe guerrière (samouraï) au pouvoir, l’archerie prend une importance non négligeable au Japon. C’est avec cette nouvelle classe dirigeante, orientée sur les arts de la guerre, que la première école voit le jour. Il s’agit de l’école Henmi-ryū fondée par Henmi Kiyomitsu au XIIème siècle. Cette école essaimera et sera à l’origine des écoles Takeda-ryū, Ogasawara-ryū,…

Yumi dai (porte-arc) de la fin de l'ère Edo, XIXème siècle
Yumi dai (porte-arc) de la fin de l’ère Edo, XIXème siècle

Les guerres perpétuelles entre les clans requièrent un besoin permanent d’archers. Ce sont aussi ces guerres qui permettent l’évolution de l’archerie japonaise. Ainsi  lors de la guerre du Genpei (1180-1185) débute l’enseignement du « yabusame » (archerie à cheval). La première école à l’enseigner est l’école « Ogasawara-ryū » fondée par Ogasawara Nagakiyo (小笠原 長清) élève d’Henmi Kiyomitsu.

L’archerie en  tant que technique de guerre évolue encore durant la guerre civile qui ravage le Japon au XVème et XVIème siècle. A cette époque le guerrier Heki Danjō Masatsugu (日置弾正政次) a une toute nouvelle approche du tir à l’arc et tachera de formaliser les principes de l’archerie pour les fantassins. Une école (Heki-ryū) naîtra de ses enseignements. Cette école sera à l’origine d’une multitude d’autre dont certaines existent encore aujourd’hui comme : « Heki-ryū Chikurin-ha », « Heki-ryū Sekka-ha » et « Heki-ryū Insai-ha ».

En 1543 les Portugais introduisent les premières armes à feu (mousquets). Elles sont bien vite adaptées et assimilées par les japonais qui produiront leur propre version nommée « Tanegashima » (種子島). Durant une courte période arcs et armes à feu coexistent. En effet les  arcs ont l’avantage d’avoir une cadence de tir beaucoup plus rapide. En revanche les armes à feu ont comme intérêt de ne nécessiter aucun entrainement particulier pour être maniées. En 1575 Oda Nobunaga (織田 信長,), à l’origine de l’unification du Japon, emporte une victoire décisive et écrasante grâce à l’emploi généralisé des armes à feu. Cette victoire marque la défaite définitive de l’archerie comme art de la guerre.

Ensemble complet armure et casque (Nuinobedo Tosei Gusoku) avec arc datant de fin de la fin de l'ère Azuchi-Momoyama (1582 à 1603 ap. J.-C.)
Ensemble complet armure et casque (Nuinobedo Tosei Gusoku) avec arc datant de fin de la fin de l’ère Azuchi-Momoyama (1582 à 1603 ap. J.-C.)

Au XVIIème siècle, le Japon est unifié et pacifié. L’arc n’est plus utilisé que lors des cérémonies et des compétitions.  L’archerie encore se renouvellera pour s’adapter à cette évolution de la société. Sa pratique sort de la caste des guerriers. L’archerie est alors pratiquée aussi bien à la cour que par une certaine classe moyenne. On retrouve sa pratique dans le bouddhisme Zen comme technique de maîtrise de soi. Le terme de « kyūdō » (la voie de l’arc) fait alors son apparition en remplacement de la pratique guerrière du « kyū-jutsu ».

En 1868, lors de la restauration Meiji. La classe des samouraïs est abolie. La pratique de l’ensemble des sports de combat se perd et avec elle le «kyūdō ». La « résistance » cherche néanmoins à s’organiser afin de perpétuer cet art.

En 1896 un groupe de maîtres en kyūdō  se mobilise afin de sauver l’enseignement de cet art. L’un des plus grand mêitre de cet fin du XIXème siècle est Awa Kenzô (1880 – 1929),  il contribua à la propagation du Kyûdô en l’enseignant au philosophe allemand Augen Herrigel. Honda Toshizane, enseignant à l’université impériale de Tôkyô, fonde quant à lui l’école Honda-ryu destinée à synthétiser l’approche physique et spirituelle de l’archerie japonaise. Il faudra attendre 1948 pour que la première fédération des clubs de kyūdō prenne naissance (Zen Nihon kyudo renmei).

Dōjō

Le dōjō (道場) est le lieu dédié à la pratique des arts martiaux (budô) ou à la méditation Zen. La pratique du kyūdō n’échappe donc pas à la règle et s’exerce dans l’enceinte d’un dōjō ou kyudōjō spécialement aménagé pour ce sport. Le kyudōjō  est  composé de trois parties : le « shajo », le « matoba » et l’espace entre les deux. 

Le shajo  correspond à la salle de tir. Haute sous plafond son sol est recouvert d’un plancher de bois vernis. C’est dans cette salle que se tiennent les archers. Le maitre est situé à la droite des archers dans un espace nommé « kamiza » non loin du tokonoma. Les archers s’assoient à gauche dans un espace nommé « shimoza »Des pièces de bois situées à la droite du Shajo servent de marqueurs pour l’entrée, la sortie des archers, les lignes de tir,… Des portes coulissantes donnent, une fois ouverte, vers le matoba (la salle des cibles). Dans certains shajo, il est loisible de s’entrainer portes fermées. L’archer se tient alors à environ 2 mètres de la cible.

Le matoba correspond à la salle des cibles. Cette salle est située à 28 mètres du shajo  (salle des tirs). Elle est parfois agrémentée en façade d’un « Azuchi no Maku » sorte de long voilage. Cette salle couverte abrite les cibles (makiwara et mato) posées sur une sorte de butée composée de terre et de sable. Cette butte protectrice (Azuchi)  a un angle d’environ 15° à 20°, une profondeur de 1,5 m pour une hauteur comprise entre 1.3 – 1.8 mètres. Se trouve parfois sur l’un des côtés du motoba, le Kantekij. Le Kantekijo est un espace protégé destiné à abriter le personnel officiant par exemple lors des compétitions.

Entre les deux salles se déroule un large espace gazonné ou recouvert de gravier méticuleusement ratissé : le Yamichi. Sur l’un des côté de cet espace se situe un chemin (Yatori-michi) éloigné de la zone de tir permettant aux archers d’aller et venir entre le shajo  et le matoba afin de venir rechercher sans danger leurs flèches (ya).

Les cibles

Il en existe de deux sortes : les « makiwara» et les « mato ». Les makiwara sont des ballots de pailles de 60cm de diamètre posé sur des trépieds à hauteur d’homme.  C’est Sur cette cible que les archers débutent et s’entraînent au quotidien. Le « mato » est la cible utilisée lors des compétitions. Cette cible est composée d’un cercle de bois de 36cm de diamètre recouvert d’une cible de papier. Elles sont séparées les une des autres  de 1,80 mètre et sont placées à 10cm du sol.

Les écoles de Kyûdô

Il existe de très nombreuses d’écoles et style de kyūdō  différents. Le Kyidô est au Japon une discipline universitaire faisant l’objet d’une notation. Certaines écoles puisant leur origine entre le XVème et le XVIème siècle existent encore de nos jours. On peux  citer les écoles Heki-ryū Chikurin-ha », « Heki-ryū Sekka-ha » et « Heki-ryū Insai-ha ». Afin d’harmoniser l’ensemble des pratiques existantes, les plus grandes écoles de Kyudo s’unirent afin de mettre en place un style commun en ne prenant que le meilleur de chaque style. Cette approche aboutie en 1948 à la création de la « Zen Nihon kyudo renmei » (fédération nationale de Kyudo au Japon) et à l’édition d’un Manuel de Kyudo (disponible en français) visant harmoniser les enseignements. La  « Zen Nihon kyudo renmei » est aujourd’hui connue sous le  nom de « All Nippon Kyudo Fédération ». C’est l’organe central de ce sport au Japon. En 1980 sera fondée la fédération  européenne de kyudo. En 2006 est créé la fédération internationale de kyudô. L’enseignement de ce sport ayant tendance à se propager de nombreux pays, à l’instar du Japon,  disposent aujourd’hui d’une fédération nationale. C’est le cas notamment en France, en Belgique en Suisse…

Photographie : Musée du quai Branly – collection Ann et Gabriel Barbier-Mueller