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Rosanjin Kitaôji

Rosanjin Kitaôji (北大路 魯山人) est un artiste céramiste, peintre, calligraphe, laqueur et restaurateur japonais ayant révolutionné, régénéré les arts de la table japonais au travers de ses créations (bols à thé, plat, peintures,…).

La vie de Rosanjin Kitaôji en quelques dates :

Photographie n°1: Bols laqués aux motifs de soleil et de lune - 1943
Photographie n°1: Bols laqués aux motifs de soleil et de lune – 1943

1883 : Rosanjin Kitaôji naît le 23 mars dans l’ancienne capitale japonaise, Kyôto, dans la famille des prêtres shintoïstes héréditaires du temple Kamigamo. Son véritable nom est Fusajirō Kitaōji, Rosanjin Kitaôji n’étant que son nom d’artiste.

1889 : Après avoir été confié à plusieurs familles, il finit par être adopté, à l’ âge de 6 ans, par la famille Fukuda. La famille Fukuda est graveur sur bois.

1907 : À 24 ans, il commence à gagner sa vie comme calligraphe, et donne des cours de calligraphie tout en répondant aux commandes.

1915 : À 32 ans, il réalise ses premières céramiques. L’année suivante, il se rapproche d’un restaurant traditionnel de la ville de Kanazawa. Il y apprend la cuisine, le service de table, avec l’usage de plusieurs types de céramiques.

1919 : À 36 ans, il ouvre à Tokyo une galerie d’art de la table. Il cuisine aussi pour les clients de sa galerie. Le succès venu, il crée deux ans plus tard le « Club des gourmets » qui rencontre aussitôt un grand succès auprès des gourmets tokyoïtes.

1925 : A l’âge de 42 ans il ouvre son premier restaurant « Hoshi ga oka saryô » à Kôjimachi, quartier de Tokyô.

1936 : Il finit par être chassé de ses restaurants par son associé. Il a alors 53 ans. Il se concentre dès lors sur son travail de céramiste.

1954 : Une exposition présente les travaux de Rosanjin au musée d’art moderne de New York. Il voyage plusieurs fois en Europe, dont en France. Il rencontre Picasso et Chagall à Vallauris.

1955 : Il refuse la distinction de « trésor national vivant » qui lui était proposée pour ses créations de céramiques du style Oribe.

1959 : Il s’éteint le 21 décembre à l’âge de 76 ans d’un cirrhose. Sa sépulture se trouve au temple Saihō-ji, Kyôto.

Un Artiste au multiples facettes

Photographie n°2: Bol à thé (chawan)  créé en 1957 par le céramiste Rosanjin. Grès de style Shino, décor d’engobe blanc
Photographie n°2: Bol à thé (chawan) créé en 1957 par le céramiste Rosanjin. Grès de style Shino, décor d’engobe blanc

Tout à la fois céramiste, calligraphe, artiste laqueur et peintre, dont les œuvres sont aujourd’hui encore extrèmement appréciées, il était lui-même excellent cuisinier. Également essayiste, il écrivit notamment sur l’art de la céramique et la cuisine. Tout son art tournait autour de la table. Il sublimait particulièrement cet art fragile. Multiple et divers, il l’était même dans ses céramiques qu’il a réalisées dans plusieurs des styles régionaux existants, ce que très peu d’artistes faisaient à l’époque, et que personne n’a jamais fait avec une telle ampleur. Il a également pris pour modèle des styles d’œuvres plus anciennes, celles de l’époque de Momoyama (fin du XVIème siècle), pour présenter une synthèse de l’art céramique japonais. Ainsi, il fut multiple à l’intérieur même de sa création, puisqu’il a réussi à créer une œuvre originale tout en marchant avec grand respect dans les pas des styles d’époques plus anciennes.

L’inventeur de la notion de « gastronomie » japonaise

La cuisine japonaise, qui avait déjà atteint un sommet de sophistication au XVIIIème siècle, avait développé plusieurs écoles culinaires, qui chacune avait codifié leur style de cuisine.

Il ne manquait à cette haute cuisine japonaise que d’en dégager un concept global, en brassant les particularités de chaque style. Rosanjin, actif dès le début du XXème siècle, à cette époque de bouleversement des valeurs esthétiques, a donné une nouvelle notion au mot bi-shoku (« l’esthétique du manger »), équivalent de notre concept de « gastronomie ». Le mot existait avant lui, mais il l’a mis en pratique et a ainsi donné une nouvelle vie à ce concept, « le beau autour de la table », par ses propres œuvres et ses activités au sein du « Club des gourmets » (Bishoku Club, restaurant ouvert en 1921).

Promoteur de l’« art total » de la table

Photographie n°3: Bol à motifs de fleurs de cerisiers et de feuilles d’érable rouges. Grès à décor d’émaux sur couverte - 1936
Photographie n°3: Bol à motifs de fleurs de cerisiers et de feuilles d’érable rouges. Grès à décor d’émaux sur couverte – 1936

Fondateur du « Club des gourmets » et de plusieurs restaurants, dont le plus célèbre, « Hoshi ga oka saryô », séduisait la plus haute sphère des esthètes japonais, Rosanjin concevait lui-même les espaces de ses restaurants, décorant les murs de ses peintures et calligraphies, établissant les menus, dessinant même les couverts des repas. Ses restaurants devenaient une sorte de théâtre : devant les clients, une pièce chaque fois singulière et éphémère était jouée. S’écoulait alors un moment unique que seuls les heureux participants pouvaient partager.

Vulgarisateur d’une cuisine japonaise proche de la nature

La cuisine japonaise s’était toujours inspirée de la beauté de la nature, mais Rosanjin a su exprimer cette philosophie avec l’intensité d’un grand artiste. Des motifs tirés de la nature sont présents dans ses céramiques, et il défendait dans ses écrits l’importance de « manger nature ». Tous les plats devaient faire surgir la quintessence de la nature de chaque produit : il exposait même cette idée dans les magazines féminins de l’époque en proposant ses recettes, simples, qui faisaient sentir la saison, le cœur de chaque ingrédient. Les légumes de ses restaurants arrivaient tous les jours de son potager : ce concept trouvera une résonnance chez certains chefs français contemporains.

Source dossier de presse Musée des arts asiatiques Guimet. Crédit photographique : photographies n°1, 2 et 3 : © Tokyo, collection particulière Collection privée photo Sotaro Hirose © DR