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Ohaguro – お歯黒

L’”ohaguro” consiste en la coutume de se noircir les dents. Cette pratique est connue aussi sous les noms de kanetsuke (鉄漿付け), fushimizu (五倍子水), tsukegane (つけがね) ou encore hagurome (歯黒め).

Origine

Femme se noircissant les dents lors de la cérémonie du Mogi
Femme se noircissant les dents lors de la cérémonie du Mogi – Par Kitagawa Utamaro – 1803

Cette tradition était en usage dans de nombreux pays d’Asie (Chine, Vietnam, Laos, Thaïlande). On trouve trace de cette pratique au Japon dès l’ère Kofun (古墳時代 – 250 à 538 Ap J.C.). Des fouilles ont en effet permis de mettre à jour des poteries (haniwa) et des ossements révélant l’existence de cette pratique. Ces fouilles ne permettent cependant pas de déterminer comment cette pratique fut introduite sur le sol de l’archipel japonais.

Le temple Tôdai-ji à Nara conserve au sein d’un bâtiment particulier nommé « Shōsō-in » (正倉院) de nombreux trésors et documents. Parmi ces documents sont conservés les enseignements du moine bouddhiste chinois Jianzhen (鑒真 (688–763)) faisant référence à l’ohaguro.

La première véritable trace écrite et contemporaine à cette pratique se trouve dans l’ouvrage romanesque du XIe siècle de Murasaki Shikibu (紫 式部 (Murasaki Shikibu (973 – 1025)), le Dit du Genji (源氏物語). Cette œuvre est un véritable témoignage des mœurs et coutumes de l’aristocratie japonaise durant l’ère Heian (平安時代 – 794 to 1185).

L’évolution de l’ohaguro

Ere Heian (平安時代 – 794 à 1185)

Durant cette période l’ohaguro était pratiqué par les hommes comme par les femmes membres de l’aristocratie, de la noblesse ainsi que de la famille impériale et certains de leurs suivants. Les dents étaient noircies suite à la cérémonie du mogi (裳着) pour les jeunes filles (12 à 14 ans) et du genpuku (元服) pour les jeunes hommes (11 à 17 ans). Cette cérémonie marquait l’entrée dans l’âge adulte.

Ere Muromachi (室町時代 – 1336 à 1573)

Il semble que l’ohaguro fut essentiellement usité par les adultes. Néanmoins, cette pratique changea à la fin de l’ère Muromachi, lorsque le japon traversa une vague de turbulences sociales, politique et militaire. Cette période porte le nom de Sengoku (戦国時代 – 1467 à 1573). Lors de cette période certaines jeunes filles avaient les dents noircies à leur majorité, vers l’âge de 10 ans, afin de les préparer à un probable mariage arrangé.

Ere Edo (江戸時代 – 1603 à 1868)

L’ohaguro se démocratise même s’il est majoritairement utilisé au sein de l’aristocratie. Si les hommes ne souffrent aucune exception à sa pratique son usage se restreint chez les femmes. Les femmes mariées, non mariées mais âgées de plus de plus de 18 ans, les geishas et les femmes du monde flottant (quartier des plaisirs) se devaient de noircir leurs dents. Les petites gens ne se noircissaient les dents que lors des cérémonies importantes (mariage, funérailles, fêtes, …).

Ere Meiji (明治時代 – 1868 à 1912) à nos jours

En 1868, l’Empereur Meiji retourne sur le trône. Le Japon entre alors dans un important mouvement de modernisation. Le système féodal est aboli, les anciens titres de noblesses supprimés, et la pratique de l’ohaguro interdite le 5 février 1870. Son usage tombera alors progressivement en désuétude. Il est de nos jours possibles de voir quelque survivance de cette coutume dans le maquillage des geishas et de certains acteurs de kabuki (théâtre).

Les raisons de l’ohaguro

ohaguro

De nombreuses raisons sont avancées pour expliquer la pratique de l’ohaguro. Esthétisme d’une époque, rang social, vertus de la personne ainsi fardée, message à destination d’autrui (pour les femmes mariés)… On peut aussi avancer que l’encre enduite sur les dents avait la réputation d’avoir un effet bénéfique sur la dentition.

L’encre

La teinture noire provenait du mélange d’une poudre nommée « fushi » et d’un liquide nommé « kanemizu ». La poudre était composée à partir du tannin de galle de sumac (arbre aussi connu sous le nom de rhus).

Le liquide, malodorant et de couleur marron foncé, provenait de la dissolution de fer dans de l’acide acétique. Cet acide était obtenu par le mélange de vinaigre, de thé et d’alcool de riz.

Le mélange de la poudre avec le liquide provoquait un précipité noir donnant un effet laqué lorsqu’il était appliqué sur les dents.

La pratique

L’ohaguro était une pratique très contraignante et assez nauséabonde. L’effet laqué obtenu par l’application sur les dents de l’encre noire n’était que de courte durée (environ 2 à 3 jours). L’opération devait dont être répétée très régulièrement. Afin de prolonger la durée de vie du mélange, certaines personnes se frottaient les dents avec de l’écorce de grenade.

ensemble ohaguro

Le nécessaire

Afin de pouvoir s’enduire les dents de teinture noire. Un nécessaire particulier fut élaboré au cours des siècles. Certains ensembles, en laque recouvert de feuilles d’or, sont de véritables objets d’art. Ce nécessaire se compose d’un large récipient (sorte de petite bassine nommée mimidarai) sur lequel repose une sorte de plateau rectangulaire (watashigane). Sur ce plateau sont disposés un bol, dans lequel la décoction était faite, ainsi qu’une sorte de « petite théière » contenant le « kanemizu » (composant liquide de l’encre). Pour être complet cet ensemble comprend en plus des petites boites carrées conservant le fushi (composant poudré de l’encre), un ou plusieurs pinceaux, utilisés pour appliquer l’encre sur les dents.