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La Forêt de Mogari

Le FilmGenèse du projetLe décor
Comédiens et mise en scèneL’intuitionLe lien entre Shigeki et Machiko
EspoirListe techniqueListe artistique

Le Film

La forêt de Mogari

Shigeki vit dans une petite maison de retraite sous le regard bienveillant d’une aide-soignante, Machiko. Sans le savoir, tous deux partagent un lourd secret : la perte d’un être cher. A la suite d’un accident de voiture, Shigeki et Machiko se retrouvent seuls et désemparés. Lorsque le vieil homme s’enfonce dans la forêt voisine, Machiko n’a d’autre choix que de le suivre. C’est là, au cœur de cette nature protectrice, qu’ils vont à nouveau se sentir vivants…

Genèse du projet (par Naomi Kawase)

Je (Naomi Kawase) me suis inspirée d’événements tout à fait personnels. Mes parents étaient déjà divorcés quand je suis née, et ma mère, avant de se remarier, m’a confiée à ma grand-tante Kawase Uno. Lorsqu’elle a commencé à présenter des symptômes de démence sénile, j’étais complètement désarmée, je ne savais pas bien comment faire face à cette situation. Bien que traditionnellement les Japonais refusent de confier leurs problèmes familiaux à un étranger, j’ai eu le sentiment qu’il ne fallait pas craindre de se faire aider par un médecin sous peine de se débattre seul avec sa souffrance. J’ai alors fait appel à un spécialiste en gériatrie qui m’a expliqué le mode d’accompagnement qu’il proposait à ses patients. J’avoue avoir beaucoup d’admiration pour ce système de santé qui respecte autant le point de vue du patient. La maison de retraite que l’on voit dans le film s’en inspire directement.

Dans ce processus d’accompagnement, je me suis aperçu que par moment, ma mère adoptive prenait autant soin de moi que moi d’elle. C’est dans ces moments de sérénité qu’elle m’offrait, malgré sa maladie, que l’image d’un vieil homme arpentant une montagne pour se rendre sur la tombe de sa femme s’est peu à peu imposée. En imaginant un autre personnage à ses côtés, j’ai tout de suite envisagé un aide-soignant. Et ce qui m’intéressait c’était de saisir le moment où la relation entre les deux s’inverserait. Je me suis aussi intéressée aux rites funéraires traditionnels. Dans la région de Tawara où se déroule le film, la tradition veut qu’on enterre les morts sans crémation. Encore aujourd’hui, les villageois perpétuent la tradition de la procession funéraire que l’on voit au début du film. J’ai été frappé par la force de cette communauté qui reste très
proche de ses chers disparus par-delà la mort. Ce sont les villageois eux-mêmes qui s’occupent de l’enterrement de leurs voisins, sans passer par la crémation ni faire appel des entreprises de pompes funèbres.

Le décor

La forêt de Mogari

Le film se déroule dans la région montagneuse du canton de Tawara, à l’ouest du Japon. Nous avons effectué de nombreuses recherches et avons sollicité les médecins afin de recueillir un maximum d’informations pour construire le décor et préparer les comédiens. D’ailleurs, certains acteurs interprétant le personnel accompagnant sont de véritables aides-soignants.

C’est au milieu de cette nature que nous avons entièrement reconstitué la maison de retraite comme un espace où cohabitent neuf personnages dans un environnement très proche de leur ancien cadre de vie. Autrement dit, je voulais que ce décor ne soit ni triste ni anonyme, mais que chaque personnage y ait son propre espace, tout en ayant la possibilité de se retrouver de temps en temps avec les autres pensionnaires dans une pièce commune. Grâce à ce principe, les pensionnaires forment une petite communauté solidaire, si bien que même les personnes âgées souffrantes peuvent mener une existence quasi normale. Il s’agit d’un système révolutionnaire au Japon consistant à offrir aux personnes âgés un cadre de vie plus humain. C’est d’autant plus important que notre société vieillit que la longévité est plus élevée au Japon qu’ailleurs. Cependant la plupart des maisons de retraite sont encore installées dans d’immenses bâtiments sans âme, cette conception de « communauté réduite » est vraiment novatrice et reste une exception.

Comédiens et mise en scène

La forêt de Mogari

Uda Shigeki est un comédien non professionnel. Avant le tournage, il a séjourné pendant trois mois dans une maison de retraite, semblable à celle décrite dans le film. Il a pris l’habitude de manger et de dormir parmi les pensionnaires et c’est grâce à cette expérience qu’il a réussi à reproduire avec autant de précision et de justesse leurs gestes et leurs regards.

Machiko a fait ses débuts dans mon premier long métrage Moe no Suzaku, en interprétant le personnage de Michiru. Tout ce qui se passe dans la maison de retraite est extrêmement fidèle au scénario. Dès le moment où les personnages pénètrent dans la forêt nous avons dû affronter les Éléments : un violent orage a éclaté entraînant des chutes d’arbres. Cela m’a semblé évident d’intégrer ces incidents au récit. Je ne crois pas que « La Forêt de Mogari » soit particulièrement différent des mes films précédents, dans la mesure où je privilégie toujours un style réaliste. Grâce à un monteur français qui est intervenu à la fin de la post-production, nous avons réintroduit une part de fiction. Avec l’ingénieur du son David Vranken, nous avons réenregistré 8O% des dialogues et recréé presque tout l’environnement sonore.


L’intuition

Pour prendre mes décisions sur un plateau, je me fie toujours à mon intuition. Cela reste vrai même si tout est minutieusement préparé en amont. Instinctivement j’aime accorder plus de confiance à mes émotions que de me
reposer sur un plan de travail très détaillé. C’est d’ailleurs dans ces conditions que les comédiens peuvent donner aussi le meilleur d’eux-mêmes et jouer de manière vraiment naturelle.

Le lien entre Shigeki et Machiko

La forêt de Mogari

Shigeki et Machiko partagent un lourd secret : la perte d’un être cher et le temps du deuil. C’est une grande empathie qui les lie l’un à l’autre et non un sentiment de tristesse. Ceux qui ont perdu un être cher sont souvent plus sensibles à la douleur des autres. Une fois que Shigeki et Machiko pénètrent dans la forêt, c’est cette dernière qui les protège et veille sur eux. La nature existe en soi, indépendamment de toute intervention de l’homme. On s’y sent protégé. Quand il fait soleil en hiver, je regarde souvent les branches des arbres agitées par le vent, et les premiers bourgeons en fleurs. Je me surprends parfois à pleurer devant la beauté d’un tel spectacle. Quand je cherche à exprimer ce sentiment de sécurité que m’inspire une telle force invisible à l’œil nu, j’ai recours aux images.

Espoir

La forêt de Mogari

A la fin du film, Shigeki déclare : « Je vais dormir dans la terre. Comme je me sens bien! ». En s’allongeant auprès de sa femme et en fredonnant son air favori, il est vraiment en paix. Il s’agit aussi du 33ème anniversaire de la mort de son épouse autrement dit, selon la croyance bouddhiste japonaise, c’est l’année où un défunt ne pourra plus jamais revenir dans le monde des vivants, mais rejoindra le royaume de Bouddha. Cela signifie que Shigeki n’est pas seulement venu se recueillir sur la tombe de sa femme. Il est venu lui dire au revoir et la remercier d’avoir si bien veillé sur lui toutes ces années. C’est ainsi que Shigeki libère sa femme. Du même coup, Shigeki est libre lui aussi. Bien qu’elle soit beaucoup plus jeune, Machiko comprend le vieil homme et cette empathie lui permet d’aller de l’avant. C’est à ce moment-là qu’elle tourne son regard vers l’avenir. Cela n’apaise pas forcément sa douleur mais cela l’aide à reprendre espoir.

Liste technique

Réalisation, Scénario et Dialogues : Naomi Kawase
Chef opérateur : Hideyo Nakano
Son : Shigetake Ao
Décors : Toshihiro Isomi
Maquillage : Yuka Sumimoto
Musique : Masamichi Shigeno
Mixeur : David Vranken
Montage : Yuji Oshige et Tina Baz
Production : Kumie Inc, Naomi Kawase
Co-producteurs : Celluloid Dreams Production et Visual Arts College Osaka
Productrice déléguée : Hengameh Panahi
Producteur associé : Christian Baute et Syunji Dodo

Liste artistique

Shigeki : Shigeki Uda
Machiko : Machiko Ono
Wakako : Makiko Watanabe
Epouse de Shigeki : Kanako Masuda
Epoux de Machiko : Yoichiro Saito

Source : dossier de presse  Haut et Court