L’histoire.
Dans
la Chine ancienne, le jour du grand marché, un jeune
enfant nommé Syusyen achète un petit serpent blanc.
Mais ses parents ne souhaitent pas accueillir un tel
animal dans leur foyer. Syusyen doit donc se
résigner, la mort dans l’âme, à relâcher le reptile…
Quelques années
plus tard, devenu un bel homme, Syusyen croise de
nouveau le serpent blanc, qui cette fois ci revêt
les traits d’une charmante princesse : Painyan. Les
deux jeunes gens ne tardent pas à tomber amoureux.
Cependant, leur passion se heurte à de nombreux
obstacles, parmi lesquels Hokaï, un puissant bonze
chasseur d’esprits.
Heureusement,
Syusyen pourra compter sur l’aide de tous ses amis
dont un adorable petit panda à la force colossale,
un mignon chaton intrépide et une bande de petits
animaux patibulaires convertis à sa cause…
À propos de Serpent Blanc.
Le
Serpent Blanc occupe une place privilégiée au
panthéon des films produits par la Tôei Animation.
Premier long-métrage en couleurs de l’histoire de
l’animation japonaise, il fut surtout le premier
dessin animé nippon conçu avec des moyens
industriels dans le but de séduire un très large
public.
D’ailleurs,
parmi l’auditoire qui fut durablement impressionné
par le spectacle lui étant proposé, il y avait un
jeune garçon du nom d’Hayao
Miyazaki (Miyazaki entama sa carrière en
1963 seulement – d’autre part, les héros de Panda
Kopanda et Totoro, voire de Conan et du Château dans
le Ciel, doivent visiblement beaucoup au petit panda
du Serpent Blanc).
En effet,
l’intérêt du maître pour l’animation fut attisé par
sa vision, à l’âge de 17 ans, du film de Taiji
Yabushita. Ce long-métrage l’a tellement ému qu’il
en pleura toute la nuit : “Je dois faire une
confession assez embarrassante”, révèle Miyazaki.
“j’étais tombé amoureux de l’héroïne du Serpent
Blanc. Après la projection mon âme était ébranlée.
Je ne sais pas si c’était lié à mon état à cause des
examens d’entrée à l’université, ou parce que
c’était une histoire romantique, mais ma rencontre
avec Le Serpent blanc a fait une très forte
impression sur le jeune homme que j’étais. Ce film
m’a notamment convaincu qu’au Japon aussi, il était
possible d’exprimer beaucoup de choses par le biais
de l’animation. Pour moi, la vision du Serpent Blanc
a été une expérience très intense”.
Mais Miyazaki ne
fut pas l’unique spectateur profondément bouleversé
par Le Serpent Blanc. Ainsi, lors du Festival de
Venise 1959, le long-métrage de Taiji Yabushita
remporta le grand prix de la section “Enfant”.
Enfin, en 1961, Le Serpent Blanc fut le premier
dessin animé japonais à bénéficier d’une sortie
(hors festival) aux États-unis.
Le conte original.
Bien
sûr, le choix du sujet du Serpent Blanc n’était pas
anodin. Ce dessin animé fut inspiré d’un conte
chinois suffisamment célèbre, Bai Su Zhen, pour
invoquer des souvenirs et des images dans l’esprit
de tous les spectateurs asiatiques, sans être
illustre au point d’inspirer trop de respect à ces
derniers.
L’histoire du
conte original décrivait les aventures d’un bébé
python capturé par un marchand dans les montagnes.
Au moment où le commerçant va tuer le serpent pour
fabriquer une poudre médicinale, un jeune homme
sauve la bête en l’échangeant contre un beau panier
de fruits.
Dix-sept ans
plus tard, la princesse démone, Bai Su Zhen, dont
l’âme était enfermée dans le corps du reptile,
recouvre forme humaine pour payer sa dette à Xu Xian
qui l’a sauvé. Mais elle tombe amoureuse du jeune
fermier, et l’épouse. Cependant, leur mariage est de
courte durée, car le moine Fa-Hai, un chasseur de
sorcières, emprisonne Bai Su Zhen dans une tour
située sur une île, au centre d’un grand lac.
Finalement, érodée, la tour s’effondre après que Bai
Su Zhen ait donné naissance à un fils : Xu Shi Lin.
Ignorant la tragédie, Xu Xian décide de se soumettre
à Fa-Hai, espérant ainsi réduire la durée de
l’emprisonnement de son épouse en accumulant les
bonnes actions au service du moine. Mais il se
dévoue tellement à cette tâche qu’il en meurt.
Vingt ans plus
tard, l’orphelin Xu Shi Lin apprend l’histoire de
ses parents. Etudiant brillant, il réussit le
concours pour devenir conseiller de l’empereur. Il
obtient alors de ce dernier la faveur de retourner
dans sa région, afin de pouvoir achever la
destruction des ruines de la vieille tour et
assécher le lac, de manière à libérer les âmes de
ses parents.
Aujourd’hui
encore, la légende de Bai Su Zhen est en Asie le
sujet de nombreuses adaptations. Parmi les plus
récentes on compte une série TV et une fastueuse
adaptation cinématographique taïwanaise, The Legend
of the White Snake Maiden, qui remporta au début des
années 90 plusieurs récompenses dans toute l’Asie.
Premier long-métrage
en couleurs.
Si
Le Serpent Blanc est un film légendaire, c’est
d’abord parce qu’il s’agit du premier long-métrage
animé japonais réalisé entièrement en couleurs. Mais
c’est aussi parce que cette bande fut la première
tissée par le mythique studio Tôei Animation. La
genèse de la création de cette enceinte, laboratoire
qui pendant 20 ans présida aux destinées de
l’animation au Japon, est stupéfiante (on doit
également au studio Tôei dans les années 80 et 90
quelques-uns des plus gros succès de l’histoire de
l’animation, tels Dragon Ball et Digimon).
En 1937, Kenzo Masaoka (réalisateur des
chefs-d’oeuvre Princesse Kaguya, Les Bonzes
Mélomanes, Féerie de Printemps), alors âgé de 39
ans, fonda sa propre société : “Compagnie japonaise
des films d’animation”. En 1937, il avait déjà créé
deux sociétés de production (La Donbeï – 1929 et la
Masaoka Films Production - 1932). Il est aussi à
l’origine de deux des révolutions les plus
significatives qu’ait connu l’industrie japonaise de
l’animation. En effet, en 1932 (L’île aux Singes)
Masaoka décida d’employer du celluloïd pour réaliser
ses films. Puis, en 1933, il mit en scène le premier
film parlant entièrement synchronisé de l’histoire
du média animé japonais : Un monde de pouvoir et de
femmes.
Toutefois, la
structure indépendante de Kenzo Masaoka (La
Compagnie japonaise des films d’animation), qui
avait eu l’aplomb de réaliser pendant la guerre un
film ne faisant pas oeuvre de propagande (L’Araignée
et la Tulipe – un poème et une allégorie
magnifiques), résista mal au conflit. Elle finit
donc par se transformer, adoptant en 1952 le nom de
“Nouvelle Compagnie Japonaise des Films
d’Animation”, et compta rapidement dans ses rangs
les plus grands noms du dessin animé japonais.
Il s’agit
d’abord de Taiji Yabushita (réalisateur du Serpent
Blanc), qui s’occupait plus particulièrement de la
supervision et de la production, mais aussi de
Seitaro Kitayama, l’un des trois pionniers du cinéma
d’animation japonais qui a réalisé son premier
film, La guerre des singes et des crabes (second
dessin animé nippon de l’histoire), en 1917 !
S’ajoutait à cette fine équipe Sanae Yamamoto (qui
prit progressivement la tête du nouveau studio), le
plus grand formaliste et formateur de talents dans
les années 30. Enfin, vinrent compléter cet
incroyable “casting” : Akira Daikuhara et Yasuji
Mori (animateurs clés sur Le Serpent Blanc), deux
jeunes hommes respectivement âgés en 1952 de 35 et
27 ans. A eux seuls, ils allaient incarner et
délimiter toutes les grandes tendances de
représentation du mouvement au sein du studio Tôei
Animation.
En fait, Akira
Daikuhara et Yasuji Mori doivent être considérés non
seulement comme les pères spirituels de la
génération des Miyazaki (Princesse Mononoké) et des
Takahata (Le Tombeau des Lucioles, Horus, prince du
soleil), mais aussi comme les fondateurs de “l’école
japonaise du mouvement en animation”.
Le Serpent Blanc, un
film clé.
Les historiens
considèrent à juste titre Le Serpent Blanc (Hakujaden)
comme étant la première production “monumentale” de
l’histoire de l’animation japonaise.
Bien sûr, l’aventure de la “japanime” ne commença
pas le 22 octobre 1958, date de la première
projection publique du Serpent Blanc. En fait, c’est
en 1917 que Ôten Shimokawa réalisa le premier dessin
animé japonais, Le Portier Imokawa Mukuzo.
Cependant, Le Serpent Blanc est le véritable point
de départ du média animé nippon. Point à partir
duquel l’industrie de l’animation au Japon ne cessa
de se développer, jusqu’à devenir la plus importante
manufacture d’images animées du monde, devant les
USA !
Crédits.
Année de diffusion: 1958.
Durée: 1h16mn.
Scénario: Taiji Yabushita et Makato Uehara.
Producteurs : Koichi Akagawa, Hiroshi Okawa,
Hideyuki Takahashi, Sanae Yamamoto.
Réalisation: Taiji Yabushita.
Musique originale : Chûji Kinoshita.
Dessins originaux : Yasuji Mori et Akira Daikubara.
Dessin
Animé: couleur.
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